À d'autres ! (création)

À D'AUTRES !
2015

Performance (35') au Far Festival, Nyon, 16 et 17 août 2015

Pour ma première création sur un plateau, j’ai donc continué ma recherche sur les récits et les images : pendant plusieurs mois, j’ai enregistré et récolté des récits, sans me limiter à un sujet, à une thématique. A partir de cet ensemble d’histoires racontées à la première personne, j’ai sélectionné trois récits : le premier est celui d’une femme qui se fait voler son porte-monnaie à la place Arlaud à Lausanne et qui, sous le coup de la colère, va le récupérer jusque dans le slip du pick-pocket qui le lui avait dérobé. Le second récit rapporte le voyage d’un homme en Egypte, voyage lors duquel rien ne se passe comme prévu : arnaque, trip hallucinatoire, danse du ventre frénétique, vol d’antiquité... Le dernier raconte la rencontre improbable d’un homme avec une femme mi-sorcière, mi-devin au sommet d’un dolmen des Pouilles et la cérémonie à la fois mystique et dérisoire qui s’ensuit.

Bien qu’elles ne rapportent pas des expériences rigoureusement similaires, les trois histoires semblent toutes rendre compte d’une dérive, aussi bien intérieure qu’extérieure : découverte d’un soi inconnu, réactions inhabituelles, rapport étrange voire exotique aux lieux, à l’espace.

Cette notion d’espace que l’on retrouve dans les récits, j’ai voulu la développer sur le plateau, au moyen d’images. Au début de la per- formance, le spectateur me voit placer au sol et accrocher au mur des photographies prises sur les lieux mêmes du premier récit. Puis c’est une vidéo que je projette sur le fond de scène, séquence en caméra subjective d’une plongée souterraine que j’ai trouvée sur un site d’hébergement de vidéo. Aux deux-tiers de la performance, je décroche les photographies, j’éteins le projecteur et aux images physiques je substitue une image mentale : je décris, comme si je décrivais une photographie, l’homme qui m’avait raconté le troisième récit, tel qu’il se trouvait au moment de sa narration. Sa corpulence, ses habits, sa position, etc.

C’est donc bien à une double production d’images qu’assiste le public: à travers ces récits répétés par ma voix et modulés par mon corps, le spectateur produit ses propres représentations des aventures qui m’ont été racontées. Les images physiques - présentes sur le plateau - disparaissent quant à elles peu à peu au cours de la performance pour céder leur place aux images mentales. A la fin de la performance, le plateau est débarrassé de toute présence autre que la mienne. Dans une lumière tamisée, ne restent que mon corps immobile, face au spectateur, et le récit.